1808-1889

Le transfert de la cour du Portugal au Brésil (1808-1821).

Les guerres napoléoniennes exercèrent une influence profonde sur l’histoire du Brésil.

Lorsque Napoléon, en 1807, traversa avec son armée la frontière hispano-portugaise, le prince Jean, régent du Portugal, accompagné de presque toute la Cour, s’enfuit vers le Brésil. Le gouvernement royal du Portugal fut ainsi installé à Rio de Janeiro. La présence de la cour du Portugal eut pour effet de rapprocher les deux variétés de portugais employées de part et d’autre de l’Atlantique. L'arrivée de 20 000 membres de la famille royale du Portugal et du régent à Rio exerça une grande influence dans la langue portugaise.

Le portugais européanisant de Rio de Janeiro devint alors le modèle linguistique pour toutes les grandes villes du Brésil. L'aristocratie portugaise imposa l'unilinguisme de la langue «standard» dans tout le système d'enseignement ainsi que dans l'administration, et interdit carrément l'usage des autres langues. Sous l’autorité du régent, de nombreux établissements d’enseignement supérieur furent créés, tous en langue portugaise d’Europe. La ville de Rio de Janeiro imposa ainsi son hégémonie linguistique à tout le Brésil.

En mars 1816, le prince Jean devint roi du Portugal sous le nom de Jean VI dit «le Clément». La popularité du roi du Portugal au Brésil finit par baisser dramatiquement. D'abord, le gouvernement royal s’avéra incompétent et corrompu, puis le sentiment républicain largement répandu au Brésil après la Révolution française gagna une grande popularité, surtout que les colonies espagnoles voisines devenaient peu à peu indépendantes. Dès 1816, le roi Jean VI dut intervenir militairement pour contrer l’action de révolutionnaires hispano-américains.

À ce moment, le Brésil comptait 3,6 millions d'habitants dont 1,9 million d'esclaves, dont les Africains nés en Afrique et ceux nés au Brésil. Entre 1790 et 1830, par le seul port de Rio de Janeiro, plus de 700 000 esclaves entrèrent au pays; ils fournirent la capitale, mais aussi les régions du sud-est et du sud du Brésil.

Au Portugal, une vive opposition se manifestait contre les velléités autonomistes du Portugal. Le roi dut rentrer au Portugal en 1821, mais nomma son second fils, Dom Pedro, régent du Brésil avec le titre de vice-roi. L’Assemblée portugaise — les Cortes — adopta plusieurs lois destinées à redonner au Brésil son ancien statut de colonie. Le régent Dom Pedro fut sommé de rentrer en Europe.

Devant les protestations des Brésiliens, Dom Pedro annonça au roi son refus de quitter le Brésil. En juin 1822, il fit convoquer une Assemblée constituante et proclama unilatéralement l’indépendance du Brésil. La Haute-Chambre de l’Assemblée constituante fit de Dom Pedro l’empereur du Brésil sous le nom de Pierre Ier. À la fin de 1823, toutes les troupes portugaises stationnées au Brésil durent se rendre au nouveau régime.

L'Empire brésilien.

Pierre Ier ne fut pas populaire très longtemps. Régnant en dictateur, il s’attira l’opposition de l’Assemblée constituante qu’il dut dissoudre. En 1825, le Brésil entra en guerre contre l’Argentine; défaits en 1827, les Brésiliens durent accorder l’indépendance à l’Uruguay. La fin de la décennie vit la montée de l’opposition populaire contre Pierre Ier, qui abdiqua en 1831 en faveur de Pierre II, son héritier présomptif âgé de cinq ans.

La première Constitution brésilienne — l’acte institutionnel de 1824 — ignora totalement l'existence des communautés autochtones. La seule préoccupation du gouvernement impérial fut de promouvoir la catéchèse et de regrouper les «Indiens» dans des «fondations coloniales», ce qui facilitait d’autant l'appropriation de leur terres.

Pendant les dix années qui suivirent, le Brésil fut donc soumis à l’autorité d’une régence marquée par de fréquents soulèvements et révoltes. En juillet 1840, le Parlement brésilien proclama la majorité de Pierre II qui put donc prendre la tête de l’État. Son règne, qui dura près d’un demi-siècle (jusqu'en 1889), fut exceptionnel, tant il se révéla un monarque compétent.

Non seulement la production nationale fut multipliée par dix, mais la croissance démographique augmenta considérablement. Le mélange ethnique s’est poursuivi avec l’arrivée de milliers d’immigrants européens qui s’installèrent dans le centre et le sud du pays.

Étant donné que l’esclavage était déjà condamné vers 1845 et que l’industrialisation de l’économie créait une demande de main d’œuvre de plus en plus grande, le gouvernement pratiqua une politique d’immigration à grande échelle, notamment auprès des Italiens; la plupart de ces derniers s’installèrent à Sao Paulo. Néanmoins, le Portugal est resté la source la plus importante de d’immigrants vers le Brésil, avec l'Italie puis le Liban.

En 1853, Pierre II interdit le débarquement d’esclaves noirs. Quelques années plus tard, une campagne en faveur de l’émancipation fut lancée à travers tout le pays. À cette époque, le Brésil comptait 2,5 millions d’esclaves. Les abolitionnistes remportèrent leur première victoire en 1871, lorsque le Parlement approuva une loi affranchissant les enfants nés d’une mère esclave. Les esclaves de plus de 60 ans furent libérés en 1885 et, en mai 1888 — par la loi Áurea — l’esclavage fut définitivement aboli. Les immigrants continuèrent d’affluer vers le Brésil: les Italiens étaient devenus en 1877 la communauté majoritaire, avec même trois Italiens pour un Brésilien, ce qui, on s’en doute, favorisa les emprunts à la langue italienne dans le portugais brésilien.

À la même époque, un sentiment républicain se développa dans le pays, notamment en raison des sacrifices endurés lors de la guerre contre le Paraguay. Ces différents facteurs conduisirent à l’instauration de la première république.

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