Le Pocahontas bolivien

Un film muet à la gloire des Indiens précolombiens vient d'être restauré en Bolivie, quatre-vingts ans après son tournage. Wara Wara était sorti en salles à La Paz en janvier 1930, puis avait disparu de la circulation, sans qu'aucune copie ne soit conservée.

Producteur de la restauration, Eduardo Lopez Zavala est fasciné par cette oeuvre indigéniste, un cas unique dans le cinéma des premiers temps en Amérique latine.

"C'est le Pocahontas bolivien", s'exclame-t-il. Dans son atelier de La Paz, ce jour-là, on travaille sans relâche le soir pour peaufiner les derniers détails. Il espère présenter bientôt le film, accompagné de la publication des oeuvres musicales, picturales et littéraires de José Maria Velasco Maidana (vers 1900-1989), interprète et réalisateur de Wara Wara.

Créateur polyvalent, Velasco Maidana appartenait à une avant-garde intellectuelle à la fois moderne, liée aux innovations comme le cinéma, et traditionaliste, à la recherche des racines de la nation. Sa démarche rejoint les peintres, écrivains et photographes du Cuzco, qui ont lancé à la même époque - les années 1920 - un mouvement indigéniste au Pérou.

En 1989, Mario Fonseca Velasco, neveu du réalisateur, a trouvé dans un placard 70 boîtes contenant des centaines de morceaux de négatif nitrate, hautement inflammable. A défaut d'une copie du film, Fernando Vargas a reconstruit le montage à la manière d'un puzzle, aidé par une pièce théâtrale à l'origine de l'argument et des récits publiés par la presse lors de la sortie.

"PETITE SUPERPRODUCTION"

Wara Wara, sous-titré "le drame d'une race", évoque le XVIe siècle, lorsque les Espagnols détruisirent la société andine. Une scène présente l'exécution au garrot de l'Inca Atahualpa. Une princesse indienne s'éprend d'un conquistador au prénom significatif, Tristan, joué par Velasco Maidana lui-même, qui s'est souvenu sans doute de la tradition courtoise et du romantisme allemand.

Le tournage a eu lieu dans des extérieurs des environs de La Paz et sur le lac Titicaca. "Pour l'époque, dans un pays dépourvu de tradition cinématographique, c'est une petite superproduction", note le conservateur Pedro Susz, qui a envoyé les matériaux trouvés à la cinémathèque de Munich, pour des travaux de préservation.

La musique du compositeur Cergio Prudencio accompagne l'action avec l'émotion requise. Le baiser final annonce une nouvelle patrie fondée sur les deux "races".

Un programme d'actualité, alors que le président d'origine aymara Evo Morales entame son second mandat le 22 janvier.

Source : Le Monde (09/01/2010)

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