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La fable de la tribu inconnue


Ricardo Uztarroz ancien correspondant de l’AFP au Brésil et au Pérou.
QUOTIDIEN : vendredi 29 août 2008

De leurs plumes acérées, Esope ou Jean de La Fontaine en auraient assurément extrait une acide fable dont la probable morale eût été : «La ruse la mieux ourdie/ Peut nuire à son inventeur/Et souvent la [supercherie]/ Retourne à son auteur » (1).

A peine découverte, l’Amazonie a engendré une multitude de mythes : femmes guerrières, les Amazones, au sein amputé pour mieux bander leur arc, l’Eldorado («le Doré»), prince introuvable qui s’immergeait, le corps enduit de poussière d’or, tous les ans dans un lac en hommage au Soleil, acéphales, êtres sans tête ayant les yeux sur les pectoraux, le nez au milieu du thorax, la bouche un peu au-dessus du nombril et les cheveux sur le dos, géants trois fois plus grands que le commun des mortels, rois blancs adoptés et vénérés par des peuplades indigènes emplumées, mystérieuses villes fortifiées dont, pour l’instant, on n’a toujours pas trouvé le moindre vestige, Indiens blancs et blonds survivants d’un hypothétique naufrage, ruines de cités monumentales de pierre enfouies au cœur de la jungle bâties par les rescapés de l’Atlantide, et, dernier avatar à ce jour de cette série non exhaustive, la tribu inconnue vivant cachée au plus profond de la jungle.

Le 30 mai dernier (2008), des photos attestant de la découverte inopinée de l’une d’elles firent le tour du monde.

L’ébahissement fut universel. Ainsi, il existait encore dans les franges de notre planète des êtres qui avaient échappé au rouleau compresseur de la société occidentale.

Cependant, la nouvelle laissa sceptiques tous ceux qui s’intéressent, avec sérieux, au sort inexorable de l’ultime grande forêt tropicale, à savoir sa lente et implacable destruction. Car il était acquis depuis la fin des années 1980 que de tribus inconnues, il n’en existait point. La confirmation de ce doute ne tarda guère.

Le jour même, acculé par un journaliste, Felix da Silva, du site d’informations espagnol Soitu.es, l’auteur des clichés, un fonctionnaire de la Funai, l’agence gouvernementale brésilienne de protection des populations indigènes, Juan Carlos Meirelles Junior, spécialiste des groupes indiens dits «isolés» ou «non-contactés», convenait que la tribu en question était connue tout bonnement depuis 1910.

(1) La Fontaine,«La Grenouille et le Rat».La citation exacte est : «et souvent la perfidie/ Retourne à son auteur».


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